Note du réalisateur

Jean-Pierre Bloc

Raconter l’histoire du procès de France Télécom/Orange, c’est faire le récit d’un combat homérique. Le terme peut sonner outrancier et galvaudé, il s’est pourtant imposé au fur et à mesure de ma plongée dans les méandres de cette affaire : des dizaines d’années de luttes exténuantes, plus d’une centaine de milliers de personnes impliquées dans tous les départements, toutes les villes de France, des mobilisations massives dont les troupes se délitent au fil du temps, des dirigeants au profil de despotes, multipliant chausses-trappes et dissimulations, et pour couronner le tout, un procès que les médias unanimes qualifient de « hors norme ».

Une autre chose m’a frappé : les films sur les luttes sociales sont nombreux mais il est rare, voire exceptionnel qu’ils se concluent par une victoire. Celle-là a certes un goût amer, mais c’est une victoire tout de même. Elle ouvre une profonde brèche dans un pouvoir inexpugnable, ce fameux lien de subordination qui est aujourd’hui encore la marque du salariat.

Si l’affaire France Télécom a déjà fait l’objet de plusieurs documentaires, elle n’a jamais été abordée du point de vue de celles et ceux, syndicalistes et salarié·es, qui ont lutté pendant des décennies contre l’inéluctable. Pour elles et eux, ce film prolonge le procès, il offre une prime à la combativité, questionne leurs difficultés et leurs désarrois, les désunions et les alliances improbables, et désire transmettre une mémoire. Elles et ils m’ont confié la tâche de traduire en images et en sons cette histoire, leur histoire.